La question
Je me rappelle de son parfum.
Il me semble parfois que je peux sentir sa présence autours de moi, sentir dans le sens olfactif, rien de spirituel ou de paranormal. Pourtant, j’aimerais cela, j’aimerais pouvoir la sentir dans le sens paranormal, cela voudrait dire qu’en quelque sorte, elle serait toujours là, que je pourrais la rencontrer et qu’il y aurait quelque chose après la mort.
Mais dans les cinq années que j’ai passé sans elle, je n’ai jamais eu cette chance.
Cependant, même après toutes ces années, je peux sentir son parfum sur la couverture. L’oreiller me donne l’impression que sa tête l’a quitté il y a peu, comme si elle s’était levé pour aller aux toilettes, ou chercher une bouteille d’eau comme elle en avait l’habitude de faire.
J’ai toujours eu de bonnes capacités olfactives et cela m’aide peut-être à sentir ce qu’il reste de sa flagrance, même si ce ne doit être que quelques microns. L’oreiller et la couverture semblent être les endroits les plus chargés mais tout l’appartement me semble plongé dans un léger brouillard que seul mon nez ne peut percevoir.
Je me rappelle toujours son visage. Comment pouvait-elle être si belle et pourtant si réelle ? Je revis en imagination la première fois que je l’ai rencontré. J’avais pensé que si je pouvais lui tenir la main, je pourrais mourir heureux. Quelle ne fut ma joie quand elle m’a parlé, et mon embarras quand je lui ai répondu !
Et pourtant, mes faux pas et ma maladresse n’ont suffit à la repousser et j’ai eu la chance de non seulement lui tenir la main, mais de pouvoir l’embrasser et plus encore pour finir par vivre avec elle plus de dix ans dont il n’y eut un seul jour de passé où je n’ai pas remercié ma bonne chance d’avoir été au supermarché le dimanche matin de note rencontre.
Dix ans.
A en croire tous mes amis en couple, c’est long. C’est difficile de se sentir aussi amoureux que dans les premiers jours et pourtant, mes sentiments pour elle n’ont jamais diminué, bien au contraire. Et cela semblait être réciproque.
Je me rappelle tout cela quotidiennement. Trois cent soixante cinq jours par ans, pendant cinq ans, cela représente environ mille huit-cents vingt-cinq jours. Autant de jour où j’ai songé me plonger dans l’alcool, ou bien plonger littéralement dans une piscine pour ne plus jamais en remonter. Mais ma lâcheté ne m’a jamais laissé à en arriver à de tels extrêmes. Et puis, je pense qu’au fond de moi, j’aime sentir cette souffrance, ce vide que sa mort a créé. Une autre partie de moi pense peut-être aussi que c’est un mauvais rêve et que dès que je me serais réveillé, elle sera là, allongée à coté de moi, me souriant, ou bien en train de dormir comme toute les nuits que j’ai passé à la regarder respirer, me retenant de l’embrasser pour ne pas la réveiller.
Mille huit-cents vingt-cinq jours à errer tel un zombie avec l’espoir de la revoir à mon réveil se battant en duel avec mon fatalisme suicidaire. Et où en suis-je aujourd’hui ? Toujours au même point.
Je me demande comment je vais vivre sans elle. Comment vais-je réussir à quitter ce lit demain matin alors qu’avec les yeux fermés, baigné dans son arome, je peux m’imaginer qu’elle est à mes cotés ?
Toutes ces questions qui me passent en tête et me rendent la vie insupportable. Mais que voudrait-elle que je fasse ? Que ferait-elle à ma place ?
Est-il possible de vivre sans elle jusqu'à ce que la mort naturelle vienne me chercher ?
Toute ces questions sans réponses me font mal à la tête, et la question que je me pose le plus souvent, celle que je me pose une centaine de fois par jour, celle qui me fait le plus mal, je sais que je me la poserais le reste de ma vie.
Je l’aimais tellement, si passionnément et de toute mon âme, alors pourquoi est-ce que je l’ai tué ?
Fin.